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Une ancienne élève à l'affiche !

Par Collège Fontcarrade, publié le lundi 7 novembre 2022 18:43 - Mis à jour le lundi 7 novembre 2022 18:43
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Ornella Dussol, habitante de la cité Gély, s’apprête à jouer son propre rôle au théâtre. Et rêve de montrer aux femmes de sa communauté que « tout n’est pas tracé d’avance ».

A Montpellier, le théâtre la Vista est un lieu singulier  et récent,  campé  depuis quatre  ans dans une ancienne 
chapelle, en plein cœur de la cité Gély, quartier gitan de la ville, à deux pas du centre. C’est ici qu’Ornella Dussol, 
jeune Gitane pleine de rêves, décroche un emploi aidé en 2020. Elle y porte plusieurs casquettes : la billetterie, 
le  ménage  et  la  médiation  avec  les  habitants  pour  leur  proposer  de  venir  aux  spectacles.  Elle  y  cultive  aussi 
secrètement une aspiration : devenir actrice. 
Au même moment, Azyadé Bascunana, 41 ans, directrice de la compagnie de théâtre montpelliéraine La Chouette 
blanche, est en résidence pour trois ans à La Vista, avec pour mission de travailler avec les habitants de la cité. 
Elle-même habite dans le quartier voisin de Figuerolles, tout près de cette communauté gitane qu’elle ne connaît 
pas. 
Le jour où elle croise la jeune salariée, elle sent soudain que son projet va se concrétiser. « La première chose 
qu’elle m’a dite, c’est : “Vous avez la figure K.-O. !” On ne se connaissait pas. Je suis restée scotchée », explique 
Azyadé Bascunana. « Ça voulait juste dire que tu étais très fatiguée », la reprend au vol la jeune Gitane. Après 
cette rencontre et plusieurs essais sur scène, dont une lecture de La Mouette, de Tchekhov, la directrice de La 
Chouette blanche lui propose d’intégrer son spectacle. Une opportunité « incroyable », confie Ornella Dussol 
qui, depuis, alterne entre ses répétitions et son contrat à La Vista. 
 
 « Un pied dans la cité et un pied ailleurs » 
A 31 ans, Ornella Dussol, longue chevelure brune, yeux vert émeraude et rouge à lèvres, est célibataire, sans 
enfant, avec un emploi : « Ça ne se fait pas trop chez nous », rigole-t-elle. Elle assume son « profil atypique 
», comme elle dit. A la cité Gély, une femme qui travaille, « c’est rare », constate sa mère, Elisa Dussol. Et une 
Gitane qui monte sur les planches, comme s’apprête à le faire sa fille, c’est « quelque chose que pas grand monde 
ne comprend ici ». 
« J’ai peur que ma communauté se moque de moi. Pour les Gitans, le théâtre, c’est entrer dans une salle sombre, 
c’est le noir. Et le noir, pour nous, c’est angoissant. » Ornella Dussol 
Les 9 et 10 novembre, Ornella Dussol sera donc l’un des personnages principaux de la pièce Pink !, création 
d’Azyadé  Bascunana,  présentée  au  Théâtre  Jean-Vilar,  à  Montpellier.  La  jeune  comédienne  stresse  et  rigole, 
s’apaise puis s’impatiente, bref, elle s’inquiète. Elle n’a parlé à aucun de ses proches de cette aventure théâtrale, 
sauf à son amie Kimberley. « J’ai peur que ma communauté se moque de moi, confie-t-elle. Pour les Gitans, le 
théâtre, c’est entrer dans une salle sombre, c’est le noir. Et le noir, pour nous, c’est angoissant. »  
Ornella  Dussol le sait bien, son tempérament bien trempé l’a poussée à  ne pas faire  grand-chose comme les 
autres. « En réalité, j’ai toujours eu un pied dans la cité et un pied ailleurs. » Un désir d’indépendance ancré en 
elle  depuis  l’enfance,  impulsé  par  ses  parents  qui  l’ont  inscrit  à  l’école  privée  Sainte-Famille,  en  dehors  du 
quartier. 
« Tous les enfants allaient à la même école. Pas moi. » Sur le trajet matinal, en passant devant un atelier de 
théâtre, la jeune écolière tannait ses parents pour qu’ils l’y inscrivent. Sans succès. « Je ne pensais pas que c’était 
du sérieux, explique sa mère, qui se souvient pourtant des improvisations de sa fillette dans l’appartement. Elle 
nous faisait des shows en permanence. »  
 
« Casser les idées recues » 
Sur scène, Pink ! propose la rencontre de trois personnages : une Gitane employée de ménage, un comédien aux 
origines roumaines et une metteuse en scène bousculée par son immersion dans un quartier populaire - soit une 
véritable mise en abyme. « C’est une création à la frontière entre la fiction et la réalité, explique la metteuse en 
scène.  Les  spectateurs  ne  savent  plus  trop  quand  on  joue.  Et  on  interroge  :  jusqu’où  aller  pour  se  définir ? 
» Ornella l’a fascinée : « Elle a un rapport intuitif à la scène, elle rentre dedans, c’est quelque chose de naturel. 
Je voulais garder cette spontanéité, rester sur cette authenticité de langage, sa poésie. Et sur sa personnalité. »  
Ornella aimerait que « les femmes de la cité comprennent qu’on peut suivre un autre chemin, que tout n’est pas 
tracé d’avance ». Elle a accepté d’être suivie par une artiste photographe, Marielle Rossignol, qui capte tous ces 
instants, les répétitions, les séances de travail et bientôt les spectacles, mais aussi des regards, des émotions, des 
fous rires. 
Il  s’agit  d’un  portrait  photographique  au  long  cours  d’Ornella  Dussol  pour,  explique  Marielle  Rossignol, « 
changer le regard qu’on porte sur la communauté gitane, casser les idées reçues ». Celle qui ne pouvait se voir 
en photo s’est habituée à cette présence quasi permanente. « Il faut bien, si je veux faire des films plus tard ! », 
déclare-t-elle dans un éclat de rire, sans savoir ce que lui réserve demain. 
« Notre idée, c’est de jouer ce spectacle lors des prochaines saisons, explique Azyadé Bascunana, ensuite nous 
aurons sans doute l’occasion d’imaginer d’autres projets ensemble. » Le spectacle va tourner dans la région 
(Nîmes, Perpignan, Pézenas) et la metteuse en scène aimerait qu’il fasse escale au Festival d’Avignon, pour le « 
off », l’été prochain. 
Agathe Beaudouin(Nîmes, correspondante ) 

Le Monde

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/11/06/a-montpellier-la-cite-gitane-entre-en-scene_6148697_4500055.html